La première semaine de juin a été choisie par la Fédération Française des Diabétiques pour être la semaine nationale de prévention du diabète dédiée à la prévention du diabète de type 2. L’occasion pour le Pr Michel Pinget, président du CeeD/Vaincre le diabète et diabétologue, de rappeler quelques idées fondamentales, mais aussi d’apporter des données nouvelles en particulier en Alsace.
Les exposomes, des facteurs de risque à combattre
Le diabète de type 2 est la conséquence de l’exposition chronique des sujets à certains facteurs de risque, qu’on appelle aujourd’hui des exposomes, qui vont permettre l’expression de gènes de prédisposition.
Certains de ces exposomes sont la conséquence directe de l’évolution de notre mode de vie, notamment l’inactivité physique ou la sédentarité, la dysnutrition en lien notamment avec le choix des aliments, mais aussi et tout autant le non-respect de la durée et des horaires de sommeil, la non gestion du stress, la mauvaise qualité des relations sociales, la consommation excessive d’alcool et la dépendance aux opioïdes. Il est évident que la 1è mission de la prévention est de tenter de corriger ces exposomes dits modifiables.
Par contre il est d’autres exposomes pour lesquels une intervention directe est beaucoup plus aléatoire, qu’ils concernent les conditions de vie
(lieu de vie et niveau socio-économique), ou soient l’expression de l’environnement
(pollution chimique, pollution atmosphérique notamment).
Un dépistage nécessaire pour un diagnostic précoce
Tout aussi important dans la prévention, comme dans le traitement, du diabète de type 2 est la précocité du diagnostic et la rapidité de mise en œuvre d’un traitement efficace.
Les statistiques de la Fédération Internationale du Diabète (IDF) montrent que 50 % des 450 millions de diabétiques recensés sur la terre, soit près de 5 % de la population totale, ignorent qu’ils sont porteurs de la maladie et bien sûr n’ont accès à aucun traitement.
Ces chiffres sont la base des stratégies de dépistage de masse
du diabète de type 2, visant par un examen simple (en général une mesure du taux de sucre sur une goutte de sang capillaire prélevée au bout du doigt à n’importe quel moment de la journée) à rechercher dans la population générale les sujets susceptibles d’être des diabétiques méconnus.
Rappelons toutefois que dépistage ne veut pas dire diagnostic
car seule la mesure à jeun de la glycémie sur prélèvement de sang veineux analysée au laboratoire permet de poser le diagnostic de diabète, si elle est à 2 reprises supérieure à 1,25 g/l.
La situation en France est heureusement différente. Certes la progression de la maladie suit la progression mondiale, qui fait du diabète une authentique pandémie, modèle des pandémies de maladies chroniques dites de civilisation. Par contre la prévalence des diabètes méconnus est beaucoup plus faible, avec des chiffres entre 1,7 et 2 % de la population générale.
Compte-tenu de ces différences inter-pays, les autorités sanitaires françaises recommandent de limiter le dépistage aux sujets de plus de 45 ans
et/ou ayant un Indice de masse corporelle (IMC = Poids en kilos/Taille en mètre2) supérieur à 28, alors que les Etats-Unis d’Amérique retiennent les valeurs de 40 ans et de 25 d’IMC, la prévalence du diabète méconnu y étant beaucoup plus grande qu’en France.
Focus sur l’Alsace
Partenaire du programme « Territoires de Santé de Demain » porté par l’Eurométropole de Strasbourg et acteur du programme international « Cities for Better Health », le Centre européen d’étude du Diabète (CeeD), à l'initiative de Vaincre le diabète, a entrepris un vaste programme de dépistage de masse sur le territoire Alsacien. Depuis 2016, plus de 10 000 sujets, âgés de plus de 18 ans, ont bénéficié de la mesure de glycémie capillaire, comme rappelé ci-dessus, permettant d’évaluer la prévalence des diabètes méconnus.
De plus, l’équipe de dépistage a recueilli pour chaque sujet exploré un certain nombre d’informations anthropométriques
(sexe, âge, IMC) mais aussi des renseignements sur son passé médical et celui de sa famille, notamment sur les pathologies associées classiquement au diabète (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, maladies cardio-vasculaires) et ses conditions de vie
(lieu, contexte socio-économique). Ces données anonymes visent à la fois à mieux définir les facteurs associés au risque de diabète méconnu, mais aussi à avoir une image, certes imparfaite, de la population alsacienne à un temps T.
L’analyse préliminaire
a porté sur 8 354 sujets, majoritairement des femmes (Rapport H/F = 0,66), non considérés comme porteurs d’un diabète et volontaires pour se prêter au dépistage.
On constate que 12 % des sujets
(soit 990) ont une glycémie supérieure à la limite reconnue comme de normalité
(soit 1,1 g/l) et surtout 2,6 % (soit 220) présentent des valeurs supérieures à 1,25 g/l, rentrant dans la classe des diabètes méconnus. Ce chiffre excède de plus de 20 % les valeurs au niveau national, ce qui se conçoit aisément puisque la prévalence du diabète de type 2 est plus élevée dans le quart Nord Est de la France versus la moyenne nationale, et ce à peu près dans les mêmes proportions.
Pour le Pr Michel Pinget : « on peut donc raisonnablement considérer que plus de 50 000 personnes vivant en Alsace ne connaissent pas le diabète dont ils sont porteurs
».
En comparant le groupe de sujets considérés comme des diabètes méconnus avec la population générale, on constate
- un âge significativement supérieur
(56,5 ans vs 50,8 ans)
- un IMC anormal
dans 66,2 % des cas (vs 48,8 %)
- la notion d’un traitement plus fréquent contre l’hypertension artérielle
(25,9 % vs 15,9 %) et l’hypercholestérolémie
(13,8 % vs 8,7 %).
Ils présentent à l’évidence des facteurs de risque accru de maladies cardiovasculaires.
L’impact de l’âge est important, ce qui était connu. Plus étonnant est le fait que La prévalence augmente très tôt dans la vie, puisqu’elle double brutalement à partir de 36 ans, passant de 1,0 % en moyenne avant à plus de 2 % après, pour croître ensuite régulièrement jusqu’à atteindre 4,0 % chez les 66 ans et plus.
Les mêmes constatations concernent l’IMC, facteur majeur de risque de diabète méconnu, avec une augmentation brutale de la prévalence à partir d’un IMC à 25 k/m2 passant de 1,7 % à 3,0 %, pour atteindre 7,3 % pour in IMC supérieur à 40 k/m2.
En conclusion
Ces données justifient pleinement les stratégies de dépistage du diabète et surtout la précocité de cette recherche de diabète, notamment chez les adultes de plus de 35 ans, ou ayant un IMC supérieur à 25 k/m2, à fortiori en cas d’hypertension ou d’hypercholestérolémie traitée.
« C’est probablement l’étape initiale de toute politique de prévention, et à l’évidence la plus aisée à mettre en œuvre
», conclut le Pr Michel Pinget.